Aux confins du cerveau – Itinéraire d’une exploration
Qui s’étonnerait du temps qui s’est révélé nécessaire à la compréhension, encore à parfaire, d’un organe qui, à lui seul, consomme vingt pour cent de notre énergie corporelle afin d’assurer le fonctionnement de ses plus de quatre-vingts milliards de cellules nerveuses ? L’histoire de l’exploration du cerveau débute dans les périodes les plus reculées, des trépanations préhistoriques aux embaumements égyptiens. Si certains Grecs attribuent au cœur un rôle plus central dans la physiologie, Galien fait définitivement de l’encéphale l’organe de la sensibilité et de l’intelligence, allant jusqu’à imaginer des « esprits animaux » circulant dans les nerfs.
Douze siècles plus tard, la recherche des origines de la peste conduit les autorités religieuses à autoriser la dissection de cadavres humains. Il en résulte un spectaculaire essor du dessin anatomique, qui, à la Renaissance, implique, à parts égales, médecins et artistes – au premier rang desquels figure Léonard de Vinci. Rapidement, la récente imprimerie permet la diffusion d’ouvrages médicaux somptueusement illustrés.
Au dix-septième siècle, la fascination qu’exerce la physique fait émerger une conception mécaniste du corps. Descartes ébauche la notion de réflexe, suivi par le Britannique Willis, qui brille tant par son exploration anatomique du cerveau que par son intérêt pour les pathologies mentales. Tandis que l’iconographie s’affine toujours davantage, le siècle des Lumières pose, plus que jamais, la question de la nature du message nerveux. Ainsi est évoquée l’hypothétique circulation d’un fluide mystérieux, que les travaux de Walsh, puis de Galvani, identifient à l’électricité, inspirant à Mary Shelley son Frankenstein.
Esquissée par Gall et Spurzheim, la phrénologie prétend que les bosses du crâne sont susceptibles de refléter la surface extérieure du cerveau, et que le cortex est constitué d’une mosaïque dont chaque élément contrôle un aspect donné du comportement humain. Au dix-neuvième siècle, cette conception se trouve expérimentalement récusée par la localisation de régions cérébrales en lien effectif avec les différentes fonctions organiques.
Progressivement, Pinel, Esquirol, puis Charcot délimitent les contours de la psychiatrie et de la neurologie. L’hôpital parisien de la Salpêtrière devient un passage obligé pour les spécialistes de toutes nations, tels Freud, Babinski ou encore Gilles de la Tourette – qui décrit le syndrome dont auraient été atteints Dickens, Satie, Mozart et Zola.
Le perfectionnement des microscopes et le traitement sans cesse mieux maîtrisé des tissus livrent enfin aux observateurs l’unité fondamentale du système nerveux qu’est le neurone. En son sein, la transmission de l’influx est étudiée par les grands physiologistes de l’époque, mais il faut attendre les années 1920 pour que soit élucidé le rôle-clé des neurotransmetteurs.
La même décennie voit le tracé du premier électroencéphalogramme. Les types de signaux ondulatoires obtenus caractérisent bientôt divers états de conscience, de la pleine activité au sommeil paradoxal – durant lequel nous rêvons. Ainsi sont en partie levées les interrogations suscitées, depuis l’Antiquité, par le sommeil – que l’on savait pourtant provoquer artificiellement !
Si le fonctionnement de la mémoire et la notion de quotient intellectuel ont été largement étudiés, les tentatives visant à déceler un signe anatomique d’intelligence se sont révélées infructueuses, et ce même après analyse des cerveaux prélevés sur les cadavres de Gauss, Lénine et Einstein… Tout aussi vains, fort heureusement, ont été les essais de comparaison, menés à des fins racistes, entre cerveaux de différentes ethnies.
En ce début de troisième millénaire, tandis que la tomodensitométrie et la résonance magnétique nucléaire nous offrent des clichés dont n’auraient osé rêver nos prédécesseurs, le cerveau conserve une part de mystère. Jamais, pourtant, dans l’histoire, aucun domaine n’a aussi rapidement progressé que les neurosciences. Sans nous perdre dans la complexité de l’anatomie et de la physiologie, ce programme se propose de retracer quelques jalons dans la compréhension d’un organe, qui, de longue date, a intrigué autant qu’il a résisté à livrer ses secrets aux scientifiques.
Où ?
Campus Sciences et Technologies - Amphithéâtre n°8Bd des Aiguillettes, 54506 Vandœuvre-lès-Nancy
Quand ?
- 16 mars 2024
- 14h30 - Cette conférence sera également donnée le 27 mars à 20h00.
Orateur(s)
- Arnaud Fischer, Maître de conférences à l'Université de Lorraine
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